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FAIRE ÉVOLUER LA PRAIRIE TEMPORAI RE EN PRAIRIE PERMANENTE

L'amélioration de la prairie passe d'abord par un relèvement du pH au minimum à 5,8.© CLAUDIUS THIRIET

Le maintien d'une forte proportion de trèfle blanc, l'entretien du pH et la fumure phospho-potassique sont déterminants pour prolonger la durée de vie de la prairie temporaire, voire la convertir en prairie permanente.

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PROLONGER LA DURÉE DE VIE DES PRAIRIES TEMPORAIRES VISE À RÉDUIRE LES COÛTS de production ou, pour des raisons d'organisation du pâturage, à maintenir des surfaces toujours en herbe à proximité des bâtiments. Or, la productivité d'une prairie semée est maximale les quatre ou cinq premières années, puis son rendement décroît. « Des espèces peu productives de type chiendent, agrostis, pâturin annuel ou renoncules se développent et la proportion de trèfle diminue, pénalisant ainsi le rendement et la qualité de la prairie, explique André Pochon(1) éleveur chercheur, membre de l'AFPF. La plupart des éleveurs retournent alors la prairie, parfois seulement trois ans après son implantation. L'objectif consiste à atténuer cette baisse de productivité, voire à la faire disparaître, pour maintenir une surface en herbe disponible et de qualité. » Dans la pratique, cela passe par le choix d'espèces adaptées au semis, la qualité de l'implantation, une bonne gestion du pâturage, l'entretien de la fertilité du sol et éventuellement, le sursemis.

Implantation : Le trèfle blanc, moteur de la prairie

Le semis de prairie se fait de préférence à l'automne, à un moment où la nature est moins concurrentielle, sur une terre finement préparée, à la volée ou avec un semoir à céréales, bottes relevées, pour déposer la graine en surface. « Il faut abandonner le semis en ligne qui laisse la place aux espèces indésirables de se développer dès l'implantation, prévient Patrice Pierre, conseiller référent prairie à l'Institut de l'élevage. Ensuite, un premier pâturage d'automne permettra de maîtriser les dicotylédones annuelles. Mais surtout, il ne faut pas hésiter à bien rouler la prairie avant et après semis, pour renforcer le contact graine/sol », dit-il.

André Pochon met aussi en garde contre le rumex : « S'il est présent à la levée, parce que les graines sont dans le sol, il faut traiter avec un désherbant qui épargne le trèfle blanc (TB), comme le Mikado, à une dose de 0,4 l/ha. Votre prairie, qui doit devenir permanente, sera alors indemne de rumex. » Lors du semis, des espèces de courte durée et d'installation très rapide, tels le TV, le RGI ou le RGH, peuvent être associées pour vite occuper l'espace : « Il ne faut pas semer trop dense : de 1 à 3 kg/ha pour ne pas pénaliser les autres espèces. »

Mais avant de semer, le préalable est de choisir des variétés adaptées au contexte de l'exploitation (voir page 41). En conditions favorables, le RGA-TB reste incontournable : « On pourra y associer des espèces complémentaires, comme la fétuque des prés, adaptées au pâturage des laitières », souligne Patrice Pierre.

Le TB va jouer le rôle de moteur azoté des graminées, assurant le rendement et la pérennité du couvert. En outre, il vieillit très bien, ce qui permet de conserver la valeur nutritive de la prairie plus longtemps avec des temps de repousse importants.

Une prairie bien pourvue comprend 20 % de TB au printemps et 40 à 50 % en été, l'idée étant de choisir deux ou trois variétés dans un mélange pour profiter de leur complémentarité. « Mais dès que l'environnement présente une contrainte pédoclimatique (prairie humide, sécheresse estivale, sols superficiels...), il faut privilégier la prairie multi-espèce. Plus productive et plus robuste, elle va sécuriser les rendements. Il y aura alors intérêt à diversifier les légumineuses, à l'installation, avec du lotier, de la luzerne ou du TV. »

Fertilisation : L'azote minéral, ennemi du trèfle blanc !

Si le TB est le moteur azoté de la prairie, son démarrage plus lent en végétation peut justifier un apport de 30 à 50 unités d'azote en sortie d'hiver (somme de températures de 200°C). Mais pour favoriser l'implantation du trèfle, il est recommandé d'éviter les apports d'azote minéral en première année d'exploitation. Promoteur d'un système à bas intrants, André Pochon recommande même l'impasse totale tout au long de la vie de la prairie, « car l'azote ammoniacal est l'ennemi du trèfle blanc ! Et sans trèfle, pas de rendements ! » Lorsque la prairie se naturalise, elle s'oriente vers un mélange de graminées, les dicotylédones se multiplient alors que les légumineuses ont tendance à régresser, entraînant la perte du moteur azoté. « L'amélioration de ce type de prairie passe d'abord par un relèvement du pH au minimum à 5,8. S'il est en dessous de 6 en sol léger ou de 6,5 en sol lourd, un amendement est indispensable au départ, puis régulièrement apporté à hauteur de 400 kg de CaO. C'est déterminant pour une bonne assimilation des nutriments. Un bon herbager doit fréquemment analyser le pH du sol ! » Ensuite, après analyse foliaire, il peut être nécessaire de relever le seuil de fertilité en phosphore et potassium.

ASSURER LA DISPONIBILITÉ EN PHOSPHORE ET POTASSIUM

Lorsque la prairie vieillit et que le pH de surface devient très acide, l'apport de chaux n'est pas suffisant pour améliorer la proportion de TB. « Une analyse d'herbe permettra d'avoir connaissance de l'état de nutrition phospho-potassique de la prairie pour orienter les pratiques de fertilisation : alterner la fauche et le pâturage si les indices de nutrition sont élevés ou, dans le cas contraire, apporter un fumier vieilli ou du compost pour renforcer la disponibilité en P et K », conseille Patrice Pierre.

Les fumures se feront aussi avec des engrais phospho-potassiques et les lisiers de porcs et de volailles seront employés avec parcimonie, car ils sont riches en azote ammoniacal. En contribuant à la bonne santé du TB, la fumure de fond va conditionner la vigueur et la longévité de la prairie. Mais sur les parcelles pâturées, on est plus souvent en situation d'excédent. Dans ce cas, on pourra jouer sur le mode d'exploitation en alternant fauche et pâture. Il faut en effet se méfier des apports excessifs de potasse qui peuvent déséquilibrer l'herbe et provoquer des troubles sur les animaux (tétanies, métrites, diarrhées). « L'effet compost, en renforçant le niveau de nutrition P et K du sol, est la seule pratique d'entretien de la prairie qui a prouvé son impact positif sur l'évolution de la flore : les légumineuses et graminées productives se développent, au détriment d'espèces moins fourragères. »

Exploitation : Pratiquer le sursemis de trèfle blanc

La clé d'une bonne exploitation de la prairie au rpintemps passe par un bon nettoyage à l'automne qui permet l'accès à la lumière, favorable au TB et au tallage des graminées. Au printemps et en pâturage tournant il faut limiter le temps de présence à 3 ou 4 jours, en prenant soin de ne pas pâturer trop ras pour que les plantes reconstituent leurs réserves : viser une hauteur d'entrée de 12 cm et de sortie de 5 cm. « Au printemps ou à l'automne, périodes favorables à la pousse de l'herbe, le couvert peut supporter le surpâturage, mais en période sèche, on crée par cette pratique des zones de sol nue où vont se développer des plantes en rosette », prévient Patrice Pierre.

LA MOZAÏQUE, SIGNE D'UNE PRAIRIE QUI VIEILLIT MAL

Si cela se produit, il faut en profiter pour réaliser un sursemis sans attendre : sursemer à l'automne si la prairie a été matraquée au printemps et au printemps suivant si la prairie a été matraquée à l'automne.

De la même manière, si le TB a tendance à diminuer en dessous de 30 % en été, un sursemis pourra améliorer la flore. « Sursemer à la volée uniquement du TB, pourquoi dépenser plus ! Sa présence sera bénéfique aux bonnes graminées ! », indique André Pochon. Patrice Pierre rappelle que la réussite de cette pratique reste aléatoire et qu'il faut privilégier des espèces rapides d'implantation comme le TB à grandes feuilles ou le TV pour optimiser les chances de réussite : « On peut y ajouter du RGA, mais pas de fétuque ni de dactyle, trop lents d'implantation. »

Le conseiller considère que si la proportion de légumineuses descend en dessous de 20 % et surtout s'il y a une mauvaise répartition des espèces, c'est-à-dire qu'elles se développent en taches, appelées « mosaïque », le point de non-retour est atteint : « C'est le signe d'une prairie qui vieillit mal, il faut alors passer par la rénovation et profiter des arrières effets de la prairie dans la rotation. En situation de stocks non limitants, on peut aussi choisir de laisser le couvert se naturaliser à partir d'espèces spontanées, adaptées à leur environnement. Lorsque les contraintes pédoclimatiques sont fortes (parcelle très séchante, humide, petites terres...) la prairie semée se naturalise souvent vite. Ce sont des prairies très robustes qui, au stade feuillu, n'ont parfois rien à envier aux prairies temporaires en début de saison, et offrent des repousses estivales et automnales. Elles ont une place en complément des prairies semées, pour faire du foin grossier, ou pour des animaux à moindres besoins. »

JÉRÔME PEZON

À lire « La prairie temporaire à base de trèfle blanc » (éditions Cedapa, contact : cedapa.fr) et l'article « De la prairie temporaire à la prairie permanente » sur le site de l'AFPF, www.afpf.asso.org.

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